Mon témoignage - David

À propos de moi : je me présente, David Beaudoin, 37 ans (2021)


Tout commence par un accident de voiture le 6 avril 2013, je ne me souviens plus de rien mais paraît-il que j'aurais voulu sortir de ma voiture et aurais provoqué la lésion de cette manière. C'est du moins, la théorie avancée par une connaissance pompier qui était présente sur les lieux de l'accident.

 

En effet, ma moelle épinière fut sectionnée niveau T7-T8 (ou D7-D8) due à de multiples fractures vertébrales. Quelques côtes fracturées avec un pneumothorax (poumon perforé) à gauche si mes souvenirs sont bons !

 

Ceci se passe sur une petite route de campagne entre Longchamps sur Aire et Pierrefitte sur Aire dans la Meuse (55). J'eus été emmené aux urgences de Bar le Duc par les pompiers. J'étais dans le coma selon les urgentistes mais j'ai pourtant quelques bribes : j'ai vu ma maman pleurer et j'ai quelques souvenirs de la salle d'urgences et du médecin qui parlait à ma mère.

 

J'ai été transféré au CHU de Reims (51), hôpital "Maison Blanche", par voie routière, en réanimation. J'apprendrai plus tard que si je n'ai pas été héliporté, c'était parce qu'ils estimaient mes chances de survie à 10 %... Autrement dit, "il ne tiendra pas le trajet, on ne va pas trop s'emmerder"...

 

Et pourtant, 8 ans plus tard, je suis toujours là !

 

Mais revenons à l’hospitalisation : Je fus opéré d'une ostéosynthèse, me bloquant six vertèbres, dans la nuit du 7 au 8 avril 2013.

Je reste quinze jours en réa où je me retrouve "défoncé" à haute dose de Morphine, en IV (intraveineuse), afin de supporter la douleur. Je fais des cauchemars atroces avec l'impression de réalité. Vous savez, ces cauchemars que l'on vie.

 

Entre deux épisodes cauchemardesques, je repends un peu mes esprits. J'étais positionné avec les bras le long du corps, c'est alors que je sens un tuyau. Mais qu’est-ce ? Je remonte ce branchement pour m'apercevoir qu’il était relié à ma verge !

Mais ??? Ce n’est pas possible, qu’est-ce que c’est que ce bordel ??? Une infirmière me demande ce que je fais, je lui réponds que je suis en train de découvrir !

 

À ce stade, j’avais déjà compris depuis un petit moment pour mes jambes. Et bizarrement, moi qui étais d’un naturel dépressif, je me dis : “bon, il me reste la tête et les bras, je vais devoir faire avec"

 

Cependant, le reste je ne connaissais pas ! Je pensais qu’un paraplégique était privé de ses jambes uniquement, ce qui est le cas pour certaines lésions mais à aucun moment je ne m’étais posé la question pour les organes internes.

C’est vrai, lorsque l’on voit une personne en fauteuil roulant, on pense qu’il n’a plus ses jambes et puis ça s’arrête là.

 

Et bien non, ce n’est pas systématique. Trois jours après l’opération, vint le docteur Vincent G. pour m’expliquer que j’étais paraplégique… Je lui répondis : 

 

“- sans blague…Mais ce tuyau ? (Sans avoir réalisé que je n’avais pas eu envie d’uriner depuis 3 jours).

- Il s’agit d’une sonde urinaire : votre vessie est reliée à une poche.

- Ah c’est temporaire alors ?

- Non.”

 

Il ne m’en dit pas davantage, je restais dans l'interrogatif…

 

15 jours plus tard, ils me transfèrent en traumatologie.

 

Je ne suis plus à haute dose de morphine donc je réalise plus en détails. Au premier changement de sonde urinaire que je vois, je demande des renseignements et là j’apprends que ce système sera probablement à vie si je ne récupère pas. 

 

Je ne le sais pas encore mais ma lésion est complète, je ne récupérerai donc jamais ! 

 

On m'a rendu mes affaires et mon smartphone alors je m'empresse d'effectuer des recherches et je finis par tomber sur une étude où l’on fait remarcher des rats de laboratoire à qui on a causé une lésion alors je reprends un peu espoir mais mon objectif premier n’est pas de remarcher mais de m’adapter à ma nouvelle vie !

 

Je passe, si mes souvenirs sont bons, six semaines sans trop bouger, le temps que les vertèbres se ressoudent. Le temps me paraît long, j’ai qu’une hâte, c’est d’avoir une place en rééducation ! J’ai la niak, je n’attends que de passer au boulot afin de me remuscler.

Je fais des haltères avec une bouteille d’eau pour éviter de trop perdre.

 

Au bout d’un moment, j’apprends enfin que la MPR (le centre de rééducation) de Bar le Duc, près de chez moi, a une place. Je suis super heureux ! 

 

Nous sommes le 14 mai et j’intègre ce service.

 

On fait venir une spécialiste, une orthoprothésiste afin de me fabriquer un corset.

Lorsque je l'aurai, je pourrais enfin attaquer la rééduc’ !


Seulement, je viens d'apprendre que j'ai attrapé un staphylocoque doré. Je l’apprends car il se manifeste et je suis pris d'une fièvre intense, de frissonnement et autres sympathiques manifestations pathologiques.

Je passe 14 jours sous Rifadine et Rifampicine, des antibiotiques assez costauds, ce qui repousse encore la kiné et le sport !

 

Les 14 jours passent et les soignants me mettent enfin au fauteuil, un vrai char d’assaut mais qu’à cela ne tienne, je m’empresse de sortir fumer une clope ! 

Je sais, c’est bête après deux mois de sevrage et ce n’est pas du tout recommandé pour ma pathologie ! J’insiste là-dessus : si vous pouvez arrêter, faites-le !!!

 

Je commence également la kiné par du soulevé de poids à l’aide d’une machine à cordes dont je ne connais malheureusement pas le nom.

 

Plus tard, on m’enlève enfin le corset qui est remplacé par une ceinture abdominale que je ne garderai pas longtemps avec l’accord du médecin. La Raison ? Je ne me vois pas avec ça toute ma vie (deuxième erreur après la clope) car un affaissement abdo apparaîtra par la suite, ce qui fait que je ne serais jamais droit dans mon fauteuil.

 

Revenons à la kiné, on attaque la tenue abdo sans grande conviction de la part de ma kiné étant donné la hauteur de la lésion. Et pourtant, j’arriverai à m'asseoir sur une demi-sphère et faire des passes avec un ballon de 4 kg avec ma kiné !

 

Idem pour les transferts, je commence avec une planche mais je la garderai moins d’un mois et ferai mes transferts, juste à la force de mes bras.

 

Il y a aussi le sport. J’ai une heure d’ergothérapie, une heure de kiné et une heure de sport tous les après-midis. Je rate souvent l’ergo, c’est pour me verticaliser mais ça ne m’amuse pas alors je traine avant d’y aller… (troisième erreur, néanmoins ce n’est pas une grosse). Bientôt, je vais, avec l’accord de ma kiné, passer mon heure en sport car elle voit et je sais que nous sommes arrivés au bout de la thérapie.

 

En sport, je suis assidu ! À tel point que j’arrive et fais ce que j’ai à faire sans embêter les profs et juste après les avoir salué.

 

  • Vélo à bras : une demi-heure
  • Haltères
  • Soulevé de poids dans diverses positions avec une presse.
  • Développé couché

J’appelle juste les profs pour m’aider à me positionner.

 

Une petite anecdote : au début de ma prise en charge, j’ai demandé à mon médecin à quel moment en moyenne, un gaillard comme moi pouvait espérer une permission. Il me répondit “environ 3 mois”. Je me souviens de lui avoir répondu “oh bin je ne serai plus loin de la sortie". Il ricana…

Au bout de 4 mois, je fus incité à participer à la synthèse

“ - Mr Beaudoin, vous sentez-vous prêt à rentrer au domicile ?

- Et comment !

- Alors, c’est bon, nous avons atteint nos objectifs !”

 

Le week-end suivant je rentrais chez moi en emportant avec moi une infirmière avec qui je me marie l’année suivante.

 

Pendant 5 ans ce fut le bonheur total, je maîtrisais le fauteuil comme personne, j’avais adapté mon atelier à ma hauteur en accomplissant des prouesses que mes proches qualifiaient d’incroyables !

 

Je travaille le métal, je disque, je soude, je fabrique un barbecue tout en métal avec une demi-cuve de chauffe-eau pour mes beaux-parents. Le genre de truc que tu garantis à vie ! Je fabrique à arbre pour mes chats à partir d’une branche de hêtre que j’enroule de ficelle de lin (je crois. La même ficelle que pour les griffoirs).

 

Je me passionne pour le bois, je transporte des palettes, des bastaings, … je suis hyper balèze, je dois le reconnaître ! Je fabrique des meubles en bois. Entre temps, j’ai aménagé un espace menuiserie avec une aspiration centralisée à l’aide de tuyaux pvc et de flexibles. Le tout raccordé à un aspirateur de chantier. Je fixe les tuyaux au plafond tout seul. J’utilise une pince et des rallonges au bout de ma visseuse.

 

Tout ça pour vous prouver que la paraplégie ne freine que les gens étroits d’esprits ! Non, nous ne sommes pas condamnés à travailler derrière un bureau !

 

Je possède une voiture adaptée, une petite 206, que j’ai eu la chance de trouver d’occasion près de chez moi. Je monte, balance les roues de mon fauteuil derrière et passe le châssis en passager et “roule ma poule” ! Je suis parfaitement autonome !

 

 

Puis vint une période moins drôle.


Les escarres ! J’en avais déjà une à la malléole externe droite du pied droit et une au sacrum mais rien de bien grave. Celle du sacrum se referme au bout de 15 jours mais avec de la kératose… Toutefois, cela tient un an et tous les ans à la même période elle se rouvre. Celle de la malléole est devenue chronique mais là où cela se gâte, c’est lorsqu'elles se forment aux trochanters.


Les grosses erreurs que je fais :


  • Je mange mal et trop peu (la plus grosse erreur).
  • Je ne fais pas mes soulevés de fesses.
  • Je n’observe pas les points d’appuis et n’effectue pas les massages de prévention.
  • J’abuse des choses négatives de la vie.


Pour les trois premiers points, je n’ai jamais eu l'habitude de prendre soin de moi. Pour le quatrième point, je déconne grave… 


Dans un premier temps, je suis pris en charge par
l’HAD (Hospitalisation À Domicile) mais un rendez-vous pris par mon médecin chez une psychiatre, manqué, je suis radié de l’HAD.


Dans un deuxième temps, c’est mon épouse qui s'occupe de moi. Ou moi-même, je sais faire les pansements. J’ai bien observé et je suis un autodidacte. Ce n’est pas d’aujourd’hui que je les faits


Un jour, en me retournant sur le lit médicalisé, lors de mes pansements,
je me luxe la hanche droite (j’avais perdu un morceau d’os qui était remonté par ma plaie quelques temps auparavant). Je suis emmené aux urgences de Bar le Duc par ma mère et, de là, ils me transfèrent à la clinique juste à côté. Le matin, je prends ma douche bétadinée puis j’attends, j’attends, … j’attends. 


Au bout de plusieurs heures, le médecin arrive.


“Mr Beaudoin, j’ai vu avec le docteur R. et nous sommes d’accord, nous n’allons pas réduire cette luxation, vous êtes paraplégique, vous pouvez vivre avec”.


Je suis abasourdi, je suis tellement “sur le cul” que je crois que je ne dis rien… 


De plus, à cette époque, je n’ai plus vraiment la forme, je fais septicémie sur septicémie, je chauffe à des températures au-delà de 40°c, je tremble, frissonne.


 Le docteur B. de l’HAD, ne m’a pas totalement laissé tomber, il a fait en sorte que je sois pris en charge à Nancy pour subir un
lambeau de rotation sur la hanche gauche.


De là, sitôt l’opération effectuée, je suis transféré à l’IRR de Lay Saint Christophe.


Ils travaillent bien, on ne peut pas dire, mon trochanter droit se referme rapidement mais une partie de la greffe a échoué. Un hématome s’est formé en dessous et ça va durer 8 mois. 8 mois alité.


C’est à ce moment que je tombe en
dépression, une sévère dépression qui va durer un an… et encore, je ne serai plus jamais le même qu’avant. 


À mon retour, je ne bouge plus,
je n’ai plus goût à rien. Je passe des journées entières assis à la petite table de cuisine, à jouer à Candy Crush. Je délaisse ma femme.


Le soir, on regarde des séries ensemble en mode plateau télé mais même si je fais mine que tout va bien, j’ai la réflexion “ça ne te fais pas rire ?!”. Non, effectivement,
plus rien ne me fait rire.


Puis, un mois après mon retour, à cause d’un mauvais coussin + le fait de ne pas bouger,
une escarre à l’ischion gauche se forme. Je reste à la maison mais c’est reparti pour un alitement avec changement de position régulière.


Et puis, le coup de grâce, ma femme me quitte. Elle ne supporte plus tout ça, la dépression, …

Bien que je sois alité, une deuxième escarre se forme à l’ischion droit cette fois.


À ce jour (2021), je suis toujours alité. Cela fait maintenant près de trois ans...


Image du rétablissement de la marche chez le rat paraplégique

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